Déconstruction du
Le patrimoine national des ouvrages d’art est en grande partie constitué de constructions en maçonnerie, véritable héritage des savoir-faire durable des siècles passés, qui contribuent à la performance de nos communications. En France, ils représentent ainsi 60 % des murs et 50 % des ponts du réseau routier et 40 % des ponts et 70 % des tunnels du réseau ferroviaire.
Ces ouvrages, construits pour la plupart au XIXe siècle, sont très appréciés pour leur robustesse, leur résilience et leur capacité à s’adapter aux nouveaux usages. Leur préservation présente un enjeu national capital, tant pour des raisons de sécurité que de finances publiques. Il faut l’entretenir pour ne pas le réparer et le réparer pour ne pas le reconstruire.
L’ingénierie développée autour de leur préservation ou de leur remise à niveau ne peut se faire sans maîtriser leur comportement très particulier, qui n’a rien à voir avec celui des matériaux de construction plus contemporains (béton armé, précontraint, fibré, construction métallique…). Il est nécessaire de développer une approche nouvelle, basée sur l’observation des performances passées des ouvrages en maçonnerie et validée par des modèles dédiés, puis d’en assurer la reconnaissance et la transmission par la profession.
Le Département des Pyrénées-Atlantiques est propriétaire d’un ouvrage en maçonnerie, le pont d’Osserain, construit vers la fin du XIXe siècle pour les besoins de l’époque mais qui a depuis été remplacé par un ouvrage moderne aux caractéristiques plus appropriées avec le trafic actuel. L’ancien ouvrage n’ayant plus d’usage collectif et au vu du coût de sa maintenance future et de son déficit de débouché hydraulique sur des habitations proches, sa démolition a été programmée à l’automne 2023.
Le pont en maçonnerie de pierre calcaire à 3 arcs surbaissés construit aux environs de 1880 devait être démoli afin de protéger les riverains régulièrement inondés par les débordements du gave « Le Saison ».
Pour le Projet National DOLMEN, le pont d’Osserain constitue ainsi une opportunité rare de disposer d’un démonstrateur pour faire des expériences jusqu’à la limite ultime du chargement, afin de mieux comprendre le fonctionnement de ces ouvrages anciens et d’en améliorer les modèles de comportement et la sauvegarde.
Vingt-quatre Partenaires du PN DOLMEN, après avoir obtenu l’accord du Département des Pyrénées-Atlantiques, ont ainsi conçu, réalisé et suivi une campagne d’essais de chargement de l’ouvrage par la superposition de blocs en béton sur une demi-voûte.
Le Projet National DOLMEN a accompagné l’expérimentation sur ouvrage réel de :
- prélèvements avant et après l’essai pour caractériser les matériaux constitutifs ;
- calculs de structure, avant l’essai pour le concevoir et après l’essai pour calibrer et valider les simulations, par des méthodes courantes (types Voute/Ring) ou avancées (éléments finis ou discrets) ;
- instrumentation pendant l’essai, par inclinomètres, caméras rapides, mesures dynamiques mais aussi fibre optique ;
- analyses post-effondrement, notamment une analyse de cycle de vie pour évaluer l’impact environnemental de ce type d’ouvrage.
Retour en vidéos sur la déconstruction du Pont d’Osserain
Merci à Gérard Viossanges, Président du PN DOLMEN, pour la réalisation de ces vidéos.
Etape 1 – Diagnostics, définition du chargement et calculs
Dans des délais contraints, les diagnostics et le programme de chargement ont été définis afin d’alimenter les conditions techniques nécessaires à une consultation des entreprises chargées de la déconstruction, qui devait s’achever avant la période des crues. L’ouvrage a été recalculé pour dimensionner ce chargement par différentes méthodes de calculs (traditionnelles, éléments finis, éléments discrets).
Etapes 2 et 3 – Instrumentations et chargements réels
L’instrumentation de l’ouvrage a pu être mise en œuvre avec différentes techniques (fibre optique, capteurs optiques, capteurs de déplacement, inclinomètres, analyse d’images ; sismique…). Pour l’affaiblir, les calculs ont préconisé une saignée de 25 cm dans l’épaisseur de la voûte. Les chargements ont été effectués par étapes contrôlées, en surveillant l’ouvrage. La corrélation en direct entre les mesures et l’observation a permis de charger au-delà des 288 t prévues, pour porter ce chargement à 360 t, limite technique au vu des moyens de manutention disponibles.
Etape 4 – La déconstruction
La voûte 1 s’est effondrée après 90 % de destruction de sa largeur, au niveau du bandeau, ce qui en dit long sur sa capacité d’adaptation transversale, même avec une voûte surbaissée. Comme anticipé par les calculs, les voûtes 2 et 3 ont rapidement suivi.
Résultats attendus
L’expérimentation sera valorisée à travers le Projet National Dolmen. Les résultats de l’essai de chargement serviront en premier lieu à calibrer et valider les modèles de calcul des bureaux d’études et des laboratoires de recherche, notamment le logiciel « métier » dédié aux ouvrages en maçonnerie et développé dans le cadre du PN. De manière plus large, le retour d’expérience sur les calculs menés avant et après l’essai sera profitable aux benchmarks de modèles menés sur d’autres ouvrages de référence du PN Dolmen. L’opération servira également de cas d’étude à une analyse de cycle de vie, pour apporter des données chiffrées sur l’impact environnemental d’un pont en maçonnerie. Le retour d’expérience sur ce chantier démonstrateur servira finalement à faire progresser la doctrine diffusée à travers la révision du guide AFGC « Évaluation structurale et conception de réparation des ouvrages d’art en maçonnerie ».
Remerciements
Le Projet National DOLMEN remercie :
- le Département des Pyrénées-Atlantiques, pour l’autorisation de déconstruire le Pont d’Osserain
- la Fédération Nationale des Travaux Publics et la Fondation d’entreprise FEREC pour leur soutien
Le Projet National DOLMEN est :
- administré par l’IREX, Institut pour la recherche appliquée et l’expérimentation en génie civil
- soutenu par le Ministère de la Transition Ecologique et la Cohésion des Territoires
- soutenu par l’Agence Nationale de la Recherche dans le cadre du projet MENHIR (Modélisation mécanique et ENvironnementale pour une approche Holistique et Interdisciplinaire de la Réhabilitation des ouvrages maçonnés)